Avis des APR sur la modification du PLUi

Rennes Métropole va engager une nouvelle et très importante modification du Plan Local d’Urbanisme, dont le but principal est de favoriser la densification des constructions dans les zones déjà habitées. Les Amis du Patrimoine ne se prononcent pas de manière dogmatique sur ce sujet. Ils reconnaissent même que la Ville affiche en ce qui concerne certains éléments du patrimoine bâti de bonnes intentions. Mais instruits par l’expérience, ils ne manquent pas d’inquiétudes.

Vous pourrez retrouver leur avis sur le site de Rennes Métropole consacré à la concertation préalable à cette modification (c’est l’avis n° 570). Mais nous le reproduisons ci-dessous. Merci d’en prendre connaissance !

AVIS des Amis du Patrimoine Rennais sur la modification n° 2 du PLUi

de Rennes Métropole

Les Amis du Patrimoine Rennais ne peuvent que répéter, non sans inquiétudes supplémentaires, les avis qu’ils ont déjà donnés lors des deux enquêtes publiques successives du PLU de Rennes puis du PLUi et plus récemment lors de la modification n° 1 du PLUi. 

Ils se permettront d’abord une remarque liminaire. L’utilisation des documents du PLU sur le site de Rennes métropole est particulièrement malaisée. À l’’obligation de télécharger de lourds documents devrait être préférée la possibilité d’une consultation en ligne avec facile déplacement dans le document. Quant à la carte dite « interactive », elle est à modifier de toute urgence. Il est parfois impossible de consulter les éléments en partant d’une adresse, ce qui oblige à consulter le site du cadastre pour interroger ensuite cette carte « interactive ». Là, les renseignements obtenus, à travers la lourdeur du téléchargement d’une fiche, n’apportent du point de vue patrimonial aucune information autre, s’agissant de bâtiments « étoilés », que le nombre d’étoiles, déjà visible sur la carte. Pour en savoir plus sur le bâtiment en question, il faut retourner dans la liste des bâtiments du patrimoine bâti d’intérêt local, classés qu’une manière parfois surprenante. Toute interrogation portant sur plusieurs parcelles devient particulièrement fastidieuse, alors que le devoir de la collectivité est de facilité l’accès du public à ces informations. L’annexe 10 du PLUi est difficile d’accès. L’information des citoyens justifie que soit mise à leur disposition un outil simple d’utilisation, permettant de suivre l’évolution du patrimoine « étoilé » (additions, suppressions, permis de construire…). Le site Opendata de Rennes Métropole, qui recense par exemple les toilettes publiques, devrait comporter un tel volet patrimoine.

Les APR approuvent bien sûr la préoccupation mise en avant par la métropole pour le patrimoine bâti ou paysager. Mais ils attirent à nouveau l’attention sur la grande difficulté de préserver l’identité patrimoniale, historique et sociale des quartiers. Presque toutes les modifications envisagées sur la ville de Rennes ne visent qu’à densifier des quartiers existants, avec le risque hélas patent de dénaturer le patrimoine bâti, y compris quand sont conservés, totalement hors contexte, des bâtiments « protégés » dont la qualité esthétique est niée voire condamnée par des constructions sans aucune cohérence par leur apparence, leur volume ou leur hauteur. Le patrimoine naturel, en particulier celui constitué par les jardins connectés en cœurs d’îlots se trouve également en danger.  Alors que la qualité rédactionnelle du document est souvent trop médiocre pour être sûr de la signification des propos (voir exemple plus loin à propos du Palais Saint Melaine), ses auteurs ont fait preuve d’une grande imagination pour qualifier différemment ces efforts tendant tous au même but : entasser le plus d’habitants possible sur des espaces de plus en plus restreints, quels que soient les risques patrimoniaux (et autres, qu’il ne nous appartient pas d’aborder).  Ainsi il est question de « renouvellement urbain », de « développement », de « restructuration », d’ « extension », de « réhabilitation », d’ « accompagner l’évolution » ou de la « favoriser », et, bien sûr,  « d’accompagner la mutation de tissus patrimoniaux ». Mais rien n’est mis en place pour développer une sensibilité fine de la qualité esthétique et historique du patrimoine afin d’éviter ou empêcher des erreurs souvent irréparables.

Les APR se réjouissent que soit envisagée  (§ 57 du document) la protection de la chapelle de la Sainte Famille et des maisons voisines du passage de Couëdic,  de l’Hôtel Le Ray (rénové avec soin par ses nouveaux propriétaires) comme de l’Hôtel Poivrel malgré la récente dégradation de l’environnement de ce bâtiment.  Toutefois la disparition du périmètre de 500 m autour des Monuments Historiques inquiète dans son principe les APR, comme nombre d’associations de défense du patrimoine. C’est pourquoi ils souhaitent être associés en amont à la délimitation de ces Périmètres Délimités des Abords.

Ils se félicitent de l’addition à la liste du patrimoine local de divers bâtiments ou ensembles remarquables (§ 59) comme rue Gurvand et Bd de Beaumont. En ce qui concerne ce linéaire de bâtiments modestes mais homogènes ils ne peuvent que regretter que cette mesure intervienne après la construction de l’immeuble du groupe Launay, de grande qualité formelle mais incohérent avec son environnement. Ils sont surpris aussi que soit indiqué « du 3 au 37 » puis certains seulement des numéros. Ils réitèrent leur demande liminaire que les caractéristiques des bâtiments « étoilés » soient aisément accessibles via la carte interactive du PLUi,  et rappellent qu’ils souhaitent que les propriétaires des parcelles concernées par ces distinctions en soient individuellement avisés.

Ils demandent une fois de plus que lorsque des immeubles sont reconnus PBIL ils soient protégés non seulement en eux-mêmes mais dans leur environnement. De plus en plus de rues sont défigurées par la construction de bâtiments sans cohérence aucune avec l’existant (volumes, matériaux, couleurs…).  La protection d’un bâtiment dans le cadre du PLU ne se fait pas d’abord pour empêcher les propriétaires d’un bien de le dénaturer, mais surtout pour permettre à l’ensemble de la population de profiter de la vue offerte ou de situer un bien dans l’histoire d’un quartier ou d’une commune, ce qui est impossible si l’environnement est modifié sans respect des constructions que l’on prétend protéger. Cette demande vaut autant pour les ensembles d’architecture remarquable à l’image de la rue Jean Guéhénno, hélas défigurée à côté de la station de métro Jules Ferry, que pour des ensembles modestes comme les Castors, liés à l’histoire sociale des quartiers. Ainsi, pourquoi la bande de pavillons rue J. Coquelin ne bénéficie-t-elle pas, comme le « village des Castors », d’un zonage UE2h et d’une qualification d’ensemble urbain ?

On ne peut qu’approuver pour divers sites le désir de permettre des évolutions. Mais les APR rappellent qu’il n’y a pour aucune époque d’obligation de se démarquer des périodes précédentes, mais au contraire l’obligation parfois morale et bien souvent esthétique de respecter l’existant. Ainsi à Rennes la Place du Parlement a été reconstruite après l’incendie de 1720 avec des volumes et des modénatures de façades respectueux du bâtiment du Parlement édifié un siècle plus tôt, et elle a été achevée vers 1830 (création de la rue Victor Hugo) sans volonté de différencier les nouvelles constructions de leurs aînées. De même le Palais du Commerce, conçu et édifié sur une période d’un demi-siècle, est resté cohérent malgré un incendie et la succession des élus et des architectes de la ville, ce qui a amené les APR à s’opposer à l’extension incohérente de ces bâtiments.

Les Amis du Patrimoine Rennais seront particulièrement attentifs à l’évolution du secteur du Palais Saint Melaine (§ 49), monument historique lié à l’histoire locale et jouxtant un autre monument historique essentiel (Notre Dame) et le jardin du Thabor, tous lieux emblématiques de Rennes, très fréquentés par les habitants de l’agglomération et incontournables lors des visites touristiques de la ville.  Ils s’étonnent d’ailleurs qu’au PLU actuel cet immeuble soit classé en UG1a et non pas, malgré les Monuments Historiques jouxtés et la zone UP attenante en UG1h avec la règle indispensable à leurs yeux que « La hauteur des nouvelles constructions s’intègre harmonieusement à celle des constructions patrimoniales existantes sur le terrain ou sur les terrains voisins », règle à laquelle il conviendrait d’ailleurs d’ajouter « et n’excède pas ». Cette remarque vaut aussi pour le terrain voisin, site de l’ancien Institut de Géologie, à l’architecture souvent peu appréciée mais caractéristique, doté d’une sculpture remarquable et délaissée et face à l’ancienne ferme de la Petite Palestine, témoin du passé rural du quartier. Ce site fait l’objet de la proposition n° 22 des « idées recueillies » de cette concertation, déposée par Mme Bouchet, Vice-Présidente de l’université Rennes 1.  Les APR s’inquiètent aussi que les intentions de la collectivité soient manifestées par un verbiage insignifiant (hélas présent dans d’autres parties du texte). Comment traduire en français courant et compréhensible par tous des phrases telles que : « Par sa position stratégique aux abords du centre ancien et du parc du Thabor, le site représente un lieu d’attraction à activer en synergie avec l’entrée du Parc des Thabor, jalon de découverte du centre-ville » ?  Les Amis du Patrimoine s’étonnent aussi de la présence dans le même paragraphe du mot « valorisation », dont ils ont pu constater qu’il n’avait absolument pas la même signification pour les défenseurs du patrimoine et pour les promoteurs… 

En conclusion les APR ne peuvent qu’applaudir bien des intentions affichées dans la présentation de cette première modification du PLU intercommunal de Rennes Métropole. Ils font le vœu, avec espoir mais avec une inquiète vigilance, que ces intentions se traduisent par des actes. Paraphrasant le Général de Gaulle à propos de la Constitution, nous pouvons dire « un Plan d’Urbanisme, c’est un esprit, un texte, une pratique ». Trop souvent nous semble-t-il la collectivité, dans l’accord des permis de construire, oublie les grands principes dont elle fait état, c’est-à-dire l’esprit. Elle n’a pas l’obligation d’accorder toujours aux promoteurs la constructibilité maximum rendue possible par les textes, favorisée hélas par la regrettable diminution des places de stationnement exigées, stigmatisée par bien des observations des récentes enquêtes publiques.

Les Amis du Patrimoine Rennais rappellent  leur demande  que la Collectivité mette en place des commissions extra-municipales du patrimoine bâti,  incluant des personnalités et associations compétentes -dont pour Rennes les Amis du Patrimoine Rennais- commissions qui pourraient notamment être consultés pour détermination des P.D.A. (voir supra), proposer des additions à la liste des bâtiments « étoilés », des ensembles urbains et des séquences urbaines, être saisies des demandes en ce sens des élus ou des citoyens et consultées en cas de travaux affectant ces bâtiments patrimoniaux.

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